Qu’est-ce qu’un schéma répétitif ?

Un schéma répétitif est une situation qui ne nous convient pas et qui nous fait souffrir mais que nous reproduisons systématiquement au cours de notre vie. Cette situation revêt des scénarios différents mais le résultat est toujours le même à la fin et génère un sentiment d’impuissance. Nous nous retrouvons prisonniers d’un scénario de vie ou d’un rôle qui n’est en fait pas le nôtre. Ces situations seront inlassablement remises en scène tant qu’elles ne seront pas réglées car même si elles nous font souffrir, nous en tirons un bénéfice inconscient.

Identifier les schémas répétitifs

Essayez de repérer ce que vous remettez souvent en scène dans votre vie et qui vous met en souffrance. Quelles sont les situations, les comportements que vous répétez et qui vous empêchent d’être vous-même ?
La reproduction de schémas peut investir tous les pans de notre vie, qu’il s’agisse de situations d’échecs amoureux ou professionnels, de situations d’abandon, de rejet, de trahison, de situations de rivalité, d’insécurité financière, de situations de harcèlement psychique, de violence physique ou sexuelle, de problèmes liés à l’autorité, de difficultés à s’engager, à faire des choix, d’accidents à répétition, d’états dépressifs, de sentiments de culpabilité et/ou de dévalorisation permanents…cette liste  n’est bien sûr pas exhaustive.
De même, avec nos enfants, nous répétons bien souvent et malgré nous les comportements toxiques de nos parents car nous les avons intériorisés. Et c’est ainsi que nos enfants reproduiront à leur tour les comportements destructeurs que nous avons eu avec eux, d’où l’importance de prendre conscience de nos dysfonctionnements non seulement pour nous, mais également pour libérer nos enfants du poids de notre passé, et ainsi faire évoluer notre lignée.

 

C’est peut-être la relation amoureuse qui est la plus parlante en matière de reproduction de schéma. Dans la relation amoureuse, il arrive qu’une personne tombe systématiquement sur le même type de partenaires et se croit en proie à une sorte de fatalité tant qu’elle n’aura pas compris qu’elle seule détient la clé de tout changement possible : « Tant que vous n’aurez pas rendu l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous appellerez cela le destin »  disait Carl Jung. 

Pourquoi répète t’on tout le temps les mêmes schémas ?

 Comprendre ce qui génère ces schémas.

Si nous avons eu la chance d’avoir des parents sains, bienveillants et réellement aimants, nous nous sommes construits psychologiquement sur des bases solides, avec des repères sains et positifs.
Malheureusement, nombreux sont ceux parmi nous qui ont eu pour modèle des parents plus ou moins toxiques et se sont construits sur des schémas erronés, avec des croyances très négatives sur eux-mêmes. Dans ce cas, l’enfant que nous avons été n’a pas eu le recul nécessaire pour faire la part des choses. En outre, nous avons aimé nos parents de façon inconditionnelle. La loyauté de l’enfant envers ses parents est telle qu’elle se poursuivra à l’âge adulte sans qu’il n’ait pris conscience d’avoir été mal aimé. Il se retrouve alors en souffrance dans des schémas de vie compliqués sans pouvoir se l’expliquer. D’autres personnes en revanche, auront conscience de la toxicité de leurs parents mais ne réussiront pas pour autant à se détacher de ces schémas autodestructeurs ou insatisfaisants. Cette construction psychologique pendant l’enfance faite sur des repères erronés et des croyances négatives sur nous-même et sur les autres va par la suite influencer de manière inconsciente tous nos choix de vie. Nous nous retrouvons donc, à l’âge adulte, prisonniers de notre passé et si nous ne travaillons pas à intégrer puis casser ces schémas limitants, nous revivrons sans cesse les mêmes expériences désagréables, avec un pouvoir très restreint sur notre vie et donc bien peu de libre-arbitre.

Ainsi, nous voyons tout par le prisme de nos croyances négatives (qui nous viennent de nos parents), de nos blessures, et de ce que nous avons vécu. Nous sommes donc dans le domaine de l’interprétation et de la subjectivité. Mais dès lors que nous cessons de projeter notre univers intérieur blessé et reprenons notre pouvoir, il devient alors possible de créer notre propre vie dans le respect de nos besoins, de nos envies, de nos valeurs, en harmonie avec notre être profond.

Lorsque nous sommes en couple, nous ne choisissons pas notre partenaire par hasard. Des aspects de cette personne nous rappellent nos parents de manière tout à fait inconsciente. Plus ces aspects sont importants, plus la projection est forte et plus le « sentiment amoureux » est intense. Et c’est ainsi qu’à l’aide des projections que nous faisons de nos parents sur notre partenaire, nous pouvons remettre en scène le schéma du couple parental. Par exemple, un homme pourra rechercher inconsciemment dans sa compagne les traits d’une mère manipulatrice, castratrice, malhonnête avec des zones de perversion importantes. Il est également fort probable qu’il reproduise ce schéma relationnel à plusieurs reprises voire systématiquement tout au long de sa vie. N’ayant pas été aimé par ses parents mais au contraire trahi, dévalorisé et humilié, il s’est construit en se pensant indigne d’amour. Et de ce fait il se fera traiter dans ses relations amoureuses comme il a été traité dans son enfance, se trouvant ainsi enfermé dans un schéma d’autodestruction.


La passion amoureuse en est l’exemple le plus fort. La personne éprouvant ce sentiment passionnel se sent littéralement subjuguée par son partenaire, la relation est intense et vire à l’obsession. Elle est en réalité amoureuse de ses schémas bien plus que de l’autre. Il n’y a pas de place pour l’amour ici car la passion est très égocentrée. La projection que l’on fait (de ses parents, de son vécu) sur l’autre est très forte. Dans la passion on ne sort pas des projections, l’autre n’existe donc pas, il est juste un support  projectionnel qui nous fait revivre des problématiques non résolues. Il n’y a pas de lien possible contrairement à l’amour véritable qui est apaisé et prend en compte l’individualité de chacun. Mais si l’on met du sens sur ce que l’on traverse, la passion peut-être une voie accélérée de la connaissance de soi même si cela est souvent très douloureux.

Par ailleurs, les aspects présents chez nos partenaires sont souvent des aspects que nous avons en nous (c’est ce que nous appelons l’effet miroir) mais qui ont été refoulés dans notre inconscient ou que nous n’assumons pas. Nous projetons donc à l’extérieur ce qui est à l’intérieur de nous. Les partenaires que nous nous attirons nous montrent où nous en sommes dans notre évolution intérieure. En ayant conscience de cela, on peut alors se demander ce que la personne avec qui nous sommes en lien nous renvoie en termes de fonctionnement. Par exemple si nous désirons ardemment construire mais que nous attirons systématiquement des partenaires qui ne veulent pas s’engager, un travail d’introspection sur tous nos blocages et toutes nos peurs par rapport au couple s’avère nécessaire.
De la même façon, au-delà du couple, toute projection, qu’elle soit positive ou négative est le reflet de notre univers intérieur. Ainsi, ce qui nous dérange profondément chez l’autre n’est rien d’autre que le reflet de nous-même. Projeter ce que nous n’aimons pas en nous sur l’autre est un mécanisme de défense qui nous permet de ne pas regarder nos côtés sombres, non assumés, de ne pas faire face à notre propre réalité. Nous pouvons également être irrités par les potentiels positifs qui émanent clairement de l’autre car ils sommeillent en nous mais nous ne parvenons pas à les exprimer.

Nous avons vu que les schémas sur lesquels nous nous sommes construits dans l’enfance ne sont plus adaptés à l’adulte que nous sommes devenus et pourtant ils perdurent, nous empêchant ainsi d’avoir une vie épanouie. Pourquoi est-il si difficile de sortir de ces schémas ? Car d’une part, nous évoluons dans un système connu fait de repères connus depuis longtemps, ce qui nous rassure. Nous ne connaissons rien d’autre tels les prisonniers de la caverne dans La République de Platon. D’autre part, notre enfant intérieur, qui aime ses parents, leur est fidèle. Lorsque nous reproduisons les comportements de nos parents alors même qu’ils nous gênent ou que nous remettons en scène les schémas de couple parentaux, nous restons loyaux à nos parents. Inconsciemment nous sommes toujours dans l’attente de cet amour parental qui ne viendra jamais. Cette fidélité inconsciente au système toxique de nos parents est la seule chose qui nous unisse à eux. Plus la loyauté est forte et plus il sera difficile de sortir de ces schémas, de se nettoyer de son passé, de trancher avec le système toxique familial.

Pour clore cette deuxième partie, abordons l’aspect trans-générationnel de la reproduction de schéma. Certains comportements ou remises en scène de certaines situations remontent à beaucoup plus loin que la petite enfance. Dans chaque famille, des événements vécus par les générations antérieures peuvent avoir un impact physique (au niveau de l’ADN), psychique (schémas de vie, croyances..) et émotionnel (peurs, colère, jalousie…) sur la lignée. Des situations, comportements, scénarios que nous vivons peuvent donc être reliés à un héritage lointain inconscient. Ainsi une personne qui enchaine des difficultés financières de manière récurrente aura peut-être eu un aïeul qui a fait faillite et s’est retrouvé dans une situation désastreuse. Cette mémoire traumatique sera gravée dans la lignée jusqu’à ce qu’elle soit purgée.

Comment intégrer et surmonter ces schémas ? Comment s’en libérer pour être soi-même et se créer une réalité différente en accord avec ses aspirations profondes ? Comment connaître le bonheur d’être soi ?

La première étape consiste à prendre conscience de nos dysfonctionnements, prendre conscience du fait que nous renouvelons systématiquement des expériences similaires et se demander s’il n’y aurait pas là une leçon à en tirer, arrêter de renvoyer sans arrêt la faute sur autrui et accepter de regarder à l’intérieur de soi, cesser de se fuir car ce que nous fuyons nous poursuit irrémédiablement. Carl Gustav Jung disait d’ailleurs que « Ceux qui n’apprennent rien des faits désagréables de leurs vies, forcent la conscience cosmique à les reproduire autant de fois que nécessaire, pour apprendre ce qu’enseigne le drame de ce qui est arrivé. Ce que tu nies te soumet. Ce que tu acceptes te transforme. »
On peut alors se demander : « qu’est-ce que moi je fais pour induire cette situation ? », « qu’est-ce que cette personne me renvoie sur moi, sur ma façon d’être et d’agir ? ». Il est important ici de s’accueillir avec beaucoup de bienveillance, d’accepter sa réalité sans jugement car si nous avons en nous des aspects dont nous ne sommes pas fiers, nous ne sommes pas pour autant la personne à blâmer. En revanche, en en prenant conscience, nous avons le pouvoir de les transformer. Nous sommes donc responsables mais pas coupables.
La seconde étape consiste donc à comprendre ce nous remettons en scène, à mettre du sens sur ce que nous traversons. Un travail d’introspection sur notre enfance/adolescence va être nécessaire. Il va falloir examiner scrupuleusement le fonctionnement du couple parental ainsi que la relation que nous avions avec chacun de nos parents pour en comprendre les dysfonctionnements, la toxicité. Ce travail peut être douloureux car nous allons comprendre que ce que nous prenions pour de l’amour n’en est pas. Nous allons découvrir l’égocentrisme de nos parents et bien d’autres aspects toxiques tout en gardant à l’esprit que nos parents n’ont pas conscience de tous ces dysfonctionnements et ont eux- mêmes été élevés par des parents toxiques. De ce fait, ils ont fait comme ils ont pu. Mais il est important pour nous à ce stade de bien comprendre le système toxique parental, de bien le disséquer pour pouvoir en sortir in fine. Cela implique également de faire le deuil de l’amour parental et de devenir pour soi-même un parent bienveillant et aimant mais aussi cadrant.


Comme nous l’avons vu, ce que nous reproduisons peut également être dû à un héritage familial inconscient plus lointain. Dans la mesure du possible il est souhaitable de connaitre le vécu de nos aïeux car cela peut nous aider à mettre du sens sur les situations que nous traversons. Comprendre ce qui se joue permet d’accepter plus facilement ce que nous vivons et d’en atténuer la souffrance. C’est un premier pas pour se responsabiliser et opérer les remises en question nécessaires afin de se libérer des traumas de sa lignée et de changer de schéma.
Le stade de la compréhension est essentiel mais n’est pas suffisant pour s’affranchir du poids du passé. Une fois que nous sommes parfaitement conscients de notre schéma et de ce qu’il nous fait faire, il faut se responsabiliser et cela peut passer par plusieurs étapes. Dans certaines situations, il se peut que nous éprouvions des réactions émotionnelles particulièrement intenses, et,  si l’on prend du recul, on s’aperçoit qu’elles sont disproportionnées par rapport à la situation actuelle. Il est important à ce stade d’exploiter l’intensité de notre réaction émotionnelle. Nous réagissons de manière aussi forte parce que la situation que nous vivons nous renvoie à des blessures mais la réaction que nous avons est à présent inadaptée. C’est l’occasion de plonger totalement dans cette émotion, dans ce à quoi elle nous renvoie, d’accueillir et de laisser parler notre enfant intérieur blessé, parfois terrorisé pour ensuite, une fois l’émotion évacuée et purgée, se responsabiliser dans la situation, laisser place à l’adulte. Nous devons prendre conscience que les repères qui ont été les nôtres ne sont plus d’actualité aujourd’hui. Nous devons à présent lâcher le champ de ruine sur lequel nous nous sommes construits et bâtir une belle maison aux fondations saines. Il est temps de se reprogrammer, avec de nouveaux repères et des valeurs qui correspondent à notre Moi profond.
De la même façon, nous devons nous remettre en question et nous responsabiliser dans notre couple par rapport aux projections que nous faisons sur notre partenaire et qui biaisent notre relation. Même si notre partenaire a des aspects qui nous rappellent nos parents, il n’est ni notre mère, ni notre père et n’a rien à voir avec ce que nous projetons sur lui. Il faut être conscient de ce qui se joue et ne pas être dupe.

Pour résumer, il faut prendre conscience de ses schémas et de ses croyances, les accepter sans jugements, se remettre en question et se responsabiliser. L’enfant intérieur blessé ne doit plus être aux commandes et nous devons nous installer dans l’adulte responsable, acteur de sa vie. Nous devons reprendre le pouvoir créateur dont nous avons été dépossédé, agir d’une manière autonome et créatrice. Cela implique bien évidemment que nous devons faire preuve de discipline car les vieux démons ne seront jamais loin mais leur force doit s’affaiblir au fil du temps. Nous devons trouver les ressources en nous pour cadrer les réactions émotionnelles, les comportements que nous ne voulons plus. Nous devons être vigilants et rester sourds à cette petite voix intérieure qui veut nous entrainer vers la négativité et l’auto-destruction. Grâce à cette attention permanente, nous ne retomberons plus dans notre schéma duquel nous nous dégagerons peu à peu pour acquérir une vrai autonomie.

Tout ce travail pour casser ces schémas nécessite l’aide d’un thérapeute qui croit sincèrement en l’évolution de son patient et qui guidera ce dernier avec toute la bienveillance qui lui a fait défaut pendant son enfance. Le thérapeute doit créer un lien positif, de confiance, propice au changement. Il recréer une sorte de lien parental positif tout en visant l’autonomie de son patient. Il doit aider son patient (dont la croissance a été stoppée) à grandir pour devenir adulte, autonome et jouir d’une vie épanouie. Une très bonne alliance thérapeutique ainsi que la détermination du patient sont les clés de la transformation.

Rompre avec ses schémas, c’est rompre avec une construction de soi fondée sur les peurs, c’est sortir de l’obscurité pour aller vers la lumière, c’est quitter la survie et vouloir exister, c’est  choisir l’Amour.  C’est ce chemin que l’on doit emprunter si l’on veut connaitre un jour le bonheur d’être soi.